Petite Chronique du Monde

 


 


Après les vulgaires loulous de banlieue, l'incivilité continuerait-elle à gagner du terrain ?

 

L'enquête sur la torture qui accable les Etats-Unis.
Libération, mardi 4 mai 2004 - Pascal Riche
 

Contrairement à ce que pouvait espérer le Pentagone la semaine dernière, l'affaire des sévices infligés à des Irakiens détenus dans la prison d'Abou Gharib, à la fin de l'année dernière, ne va pas être oubliée rapidement. Lorsque ces photos de tortures ont été diffusées par la chaîne de télévision CBS, puis sont apparues dans la presse, les autorités ont annoncé des poursuites criminelles contre les auteurs d'actes «indignes d'Américains», identifiés comme une demi-douzaine de réservistes de la police militaire issus de milieux ruraux. Ce week-end, pourtant, un article publié par le magazine New Yorker, signé par le vétéran du journalisme d'enquête Seymour Hersh, a donné à l'affaire une tournure beaucoup plus grave. Hersh a obtenu un rapport d'enquête interne à l'armée de 53 pages. Il en ressort que les sévices à Abou Gharib étaient non seulement courants, mais même encouragés par des officiers du renseignement militaire. Ce rapport, rédigé par le général Antonio Taguba, évoque «des actes criminels, sadiques, honteux, gratuits», commis par au moins six soldats de la police militaire, avec la bénédiction de supérieurs. Ils semblaient relever de la routine, et ceux qui les commettaient ne paraissaient craindre aucune sanction.

La générale Janis Karpinski, qui était responsable des prisons militaires américaines en Irak à l'époque, a réagi publiquement à ces révélations. Elle ne tient pas à être seule à porter le chapeau et a expliqué à plusieurs médias que la partie de la prison où ces sévices avaient lieu était placée sous l'autorité du renseignement militaire. Elle jure qu'elle n'était au courant de rien. «Il y a eu des actes ignobles. Si j'avais été au courant, j'aurais certainement réagi très rapidement», se défend-elle. Elle pense que les sévices étaient encouragés par des officiers, aujourd'hui protégés, qui voulaient «casser» les détenus avant de les interroger. Son aveuglement, avec le recul, paraît extrêmement naïf : en décembre, elle avait déclaré au quotidien St Petersburg Times de Floride que la vie des prisonniers à Abou Gharib était «meilleure que chez eux. Au point que nous craignons qu'ils ne veuillent plus en partir». En janvier, la générale Karpinski a été suspendue et des enquêtes diligentées.

Humiliations. Le rapport cité par Seymour Hersh a été rédigé en février. Les sévices qu'il décrit (lire ci-contre) se sont déroulés entre octobre et décembre 2003. Ils ont toujours une composante sexuelle humiliante : il s'agissait de dénuder les détenus ; de leur faire simuler (ou subir) des actes homosexuels ; de les sodomiser avec une torche ou un manche à balai. L'avocat du sergent Ivan Frederick, l'un des six réservistes poursuivis, entend démontrer que son client a agi sur ordre. Selon lui, les techniques utilisées trahissent la présence, derrière ces tortures, de spécialistes du renseignement. «Pensez-vous vraiment que quelques gosses venant de la Virginie rurale aient pu décider d'eux-mêmes que le meilleur moyen pour embarrasser des Arabes et les faire parler était de les forcer à marcher nus ?» a-t-il expliqué au New Yorker. Dans des lettres à sa famille, Frederick décrit d'ailleurs le rôle joué par les équipes de renseignement : «J'ai posé des questions sur ce que j'ai vu, comme laisser les prisonniers dans leurs cellules sans vêtements ou dans des sous-vêtements de femmes [...] et la seule réponse que j'aie eue, c'était : "Le renseignement militaire veut que ce soit ainsi"», a-t-il écrit en janvier, quand les choses ont commencé à tourner mal pour lui. Il raconte également qu'en novembre un prisonnier a été si durement interrogé par les services de renseignements «non militaires» (probablement la CIA et ses officines paramilitaires) «que l'homme en est mort».

Le général Taguba, dans son rapport, semble pour sa part convaincu de la responsabilité directe d'officiers du renseignement et met en cause l'ensemble de l'encadrement de la prison : personnel militaire, CIA, mais aussi gardes privés. Il dénonce des problèmes de commandement, accuse la générale Karpinski de ne pas avoir assis son autorité face au renseignement militaire. Et pointe enfin de graves lacunes dans la formation du personnel chargé de la prison.

La publication du contenu de ce rapport a pris de court le Pentagone. Tel un pompier, le général Richard Myers, chef d'état-major interarmes, a dû être dépêché dimanche sur les plateaux de télévision pour minimiser l'affaire et défendre l'honneur de l'armée américaine. Mais ses justifications manquaient de cohérence. Il a évoqué les actes d'une «poignée» de soldats, mais n'a pas pour autant exclu la possibilité de pratiques plus systématiques. «Préparer les conditions d'interrogatoires, ça se fait évidemment. Mais il y a une chose que nous ne faisons pas : nous ne torturons pas», a-t-il juré. Tout en assurant quand même qu'il fallait vérifier «qu'il n'existe pas de problème systémique» au sein de l'armée en Irak. Signe de l'embarras que l'affaire soulève à Washington, le général Myers a reconnu qu'il avait demandé à l'émission 60 minutes II de CBS de retarder la diffusion des photos des sévices, pour ne pas aggraver la tension en Irak.

Sanctions. Hier, l'armée a annoncé que des mesures disciplinaires avaient été prises contre sept officiers. Six d'entre eux ont reçu un blâme écrit, le septième un avertissement. Tous ont fait appel. L'attribution des blâmes, si elle est confirmée, bloquera la carrière de ces officiers. Mais il n'est pas question pour le moment de les traduire en cour martiale. La générale Karpinski figure parmi les sept militaires sanctionnés

(source)

 


Le soleil se couche sur les champs de pétrole

 

Les réserves de pétrole sont dangereusement surévaluées, dénonce un groupe d'experts.
Tranfert.net, 28 novembre 2003, 19h19. - Matthieu Auzanneau
 

Etats et grands groupes mentent sciemment sur l'imminence du "peak oil", prélude au déclin pétrolier

L'affaire est entendue, le monde devra bientôt se passer de pétrole. Mais quand exactement ? Mystère... Voilà trois ans que BP Amoco a adopté son nouveau slogan : "Au-delà du pétrole". Pourtant, aucune donnée officielle sur la production pétrolière ne mentionne de déclin des extractions avant (au pire) 2030. Depuis quelques mois, un contre-discours officieux s'impose peu à peu de colloques spécialisés en sites web. Il est nettement moins optimiste. Le "peak oil" - c'est-à-dire l'instant à partir duquel la production pétrolière mondiale va commencer à s'effondrer irrémédiablement, faute de réserves suffisantes - ne serait pas pour 2030, mais juste là, "à portée de main". Le pic de production pétrolière pourrait même être déjà en cours sans que personne n'ait encore pu s'en apercevoir !

L'association qui, depuis 2001, tient ce discours pour le moins iconoclaste sur l'avenir du pétrole mondial s'appelle l'Aspo : Association for the study of peak oil. Elle rassemble plusieurs départements universitaires européens de géologie autour d'un noyau dur d'une dizaine de retraités bénévoles, tous anciens hauts responsables de la prospection de groupes pétroliers tels que Fina, Total ou Shell.

Vers un choc pétrolier permanent

Officieusement admise depuis toujours par les connaisseurs du monde pétrolier, la falsification des données officielles sur les réserves de pétrole encore disponibles serait systématique, clament les membres de l'Aspo. L'accusation concerne à la fois les Etats qui produisent le pétrole, ceux qui le consomment ainsi que les groupes privés qui le vendent.

L'Aspo met le monde en garde : le peak oil entraînera un choc pétrolier permanent aux conséquences vertigineuses. Seront touchés non seulement les transports qui, d'après l'OCDE, dépendent toujours à plus de 96% des hydrocarbures, mais aussi les grands équilibres géopolitiques, l'industrie, la production agricole et, in fine, la démographie planétaire.

"Pas de plan B"

"Aujourd'hui, je crois que le peak oil ne pourra être correctement prédit qu'une fois qu'il aura déjà eu lieu. Ce qui est certain, c'est qu'il va arriver. Et mon analyse personnelle me porte à croire que le pic est déjà là, à portée de main, et pas à plusieurs années devant nous. Si j'ai tort, eh bien j'ai tort. Mais si j'ai raison, les conséquences seront imprévisibles et dévastatrices. Si j'ai raison, malheureusement le monde ne dispose d'aucun plan B. A la fin des années soixante, les humanistes du "club de Rome" avaient raison de pointer du doigt les "limites de la croissance."

L'homme qui s'est exprimé ainsi le 27 mai dernier, lors d'une conférence de l'Aspo organisée dans les locaux de l'Institut français du pétrole, est tout sauf un écologiste confit de paranoïa. Matthew Simmons, un banquier d'affaires, a été l'un des principaux conseillers du vice-président américain Dick Cheney au sein de la task force chargée en 2001 d'élaborer la politique énergétique de l'administration Bush. Les experts de ce groupe étaient pour la plupart issus des entreprises de l'énergie américaines, et leur partialité en faveur du lobby texan du pétrole est aujourd'hui vivement critiquée aux Etats-Unis.

Le débat sur l'imminence du peak oil n'est pas cantonné à quelques obscurs laboratoires de géologie indépendants. Jean Laherrère est le seul français parmi les membres fondateurs de l'Aspo. Aujourd'hui retraité et bénévole, ce géologue a travaillé pendant trente-sept ans pour Total, et a longtemps été le patron des techniques d'exploration du groupe. Il témoigne : "Cela fait 50 ans que les experts tentent d'anticiper le peak oil . Aujourd'hui, tout le landernau pétrolier connaît les thèses de l'Aspo. Mais le grand public, lui, ne les connaît pas encore (...) Les Browne (patron de BP, ndlr), Cheney (ancien patron du géant américain Halliburton) et autres Khodorkovsky (ancien patron du groupe russe Yukos, arrêté par le Kremlin en octobre) sont parfaitement au courant du problème. Voir naître un débat autour de l'authenticité des chiffres officiels sur les réserves de pétrole est sans doute la dernière chose au monde que souhaitent ces gens-là."

Pour l'instant, ils n'ont pas à s'en faire. Selon Laherrère, les experts en prospective énergétique du ministère français de l'Industrie ne disposent pas de données fiables sur les réserves pétrolières. Leur niveau d'alerte vis-à-vis de l'imminence du peak oil est "nul", déclare-t-il. Laherrère va plus loin : "Aujourd'hui, il est impossible pour un pétro-géologue de parler ouvertement du peak oil s'il n'est pas à la retraite." L'ancien responsable de la prospection de Total se refuse toutefois à parler d'"omerta" ou de "désinformation". Pourtant...

Des réserves "prouvées" très subjectives

Les experts de l'Aspo pointent du doigt des biais et des tricheries systématiques dans la mesure, le report et l'agrégation des réserves des champs pétrolifères de la planète.

Le docteur Colin Campbell est le fondateur de l'Aspo. Après avoir soutenu sa thèse à Oxford en 1957, cet Anglais a passé près de 40 ans dans l'exploration et l'évaluation de champs pétroliers. Il dit : "La mesure de ce que contient un champ pétrolier est toujours en partie subjective. C'est un simple pari de géologue." L'expert anglais ajoute : "Pour parler de ce qui reste dans un champ en exploitation, on utilise l'expression "réserves prouvées" qui ne correspond en fait qu'à un calcul de probabilité dont les critères varient selon que l'on travaille pour les Etats-Unis, la France ou la Russie."

Les chiffres officiels sur les réserves "restant à découvrir" sont exprimés à travers trois valeurs différentes, appelées F95, F50 et F5. La première indique la quantité de pétrole disponible avec une probabilité de 95 %, la seconde avec une probabilité de 50 %, la troisième avec 5 %. Pour l'Algérie, les données de référence publiées par l'organisme officiel américain USGS (United States geological survey) indiquent que ce pays a :
- 95 % de chances de découvrir encore 1,7 milliard de barils de pétrole conventionnel ;
- 50 % de chances de découvrir 6,9 milliards de barrils ;
- 5 % de chances d'en découvrir 16,3 milliards.
Or dans les rapports sur lesquels s'appuient les gouvernements, les banques ou les actionnaires, on ne retient en général qu'une valeur médiane, appelée ("Mean"), entre les trois niveaux de probabilité. Pour l'Algérie, cela donne 7,7 milliards de barils. Peu importe qu'un rapport de presque 1 à 10 sépare F95 et F5. Et que le chiffre finalement retenu ait moins d'une chance sur deux de chances d'être atteint !

46 % des réserves du Moyen-Orient seraient "douteuses"

Outre les inexactitudes, les calculs sur l'avenir du pétrole sont l'objet d'une vraie gruge. En 1985, les pays producteurs réunis au sein de l'Opep ont pris la décision, jugée fort saine à l'époque, d'indexer leurs quotas de production de pétrole sur le montant des réserves déclarées par chaque pays membre. Mais des faits étonnent : d'après les données de référence reprises par le groupe anglais BP dans son rapport 2003 sur l'énergie mondiale, l'Arabie Saoudite est passée, entre 1985 et 1990, de 169 milliards de barils de réserves "prouvées" de pétrole conventionnel à... 258 milliards, soit 50% de plus ! Tous les principaux pays producteurs de l'Opep sont dans la même situation : Abu Dhabi (30 milliards de barils déclarés en 1985 contre 92 milliards en 1988), Iran (48 milliards en 1985, 92 milliards en 1988), Irak (44 milliards en 1985, 100 milliards en 1988), etc. Le tout sans qu'aucune découverte significative de nouveaux champ pétrolifère n'ait eu lieu dans ces pays au cours de la période...

Au total, selon Colin Campbell, de l'Aspo, 46 % des ressources actuelles déclarées par les principaux pays de l'Opep sont "douteuses, sinon fausses".

Laherrère décrit l'exemple du champ pétrolifère de Cusiana, en Colombie, découvert en 1988. Le géologue raconte : "Triton, la compagnie américaine qui s'est chargée de l'évaluation des ressources de Cusiana a commencé par parler de 3 milliards de barils, une valeur remarquable, qui n'a pas laissé Wall Street indifférente. Triton devait vraiment avoir besoin de l'argent de ses actionnaires, parce que lorsque BP a démarré l'exploitation de Cusiana, ils sont prudemment redescendus à 1,5 milliards de barils. Et je pense qu'au final, il y a à peine 800 millions de barils là-bas..."

Sous la pression financière

Si les pays producteurs exagèrent leurs ressources, c'est aussi parce qu'elles permettent d'obtenir plus facilement des prêts bancaires. Jean Laherrère commente : "Les chiffres officiels des réserves pétrolières, sont loin d'être des données purement scientifiques. C'est le reflet d'un patrimoine financier que les Etats valorisent ou déprécient selon leur intérêt du moment."

Pour l'Aspo, l'ensemble de ces sources d'exagérations contribuent à faire croire que le peak oil, et la flambée qu'il entraînera sur les prix, n'arrivera pas avant après-demain. La réalité pourrait être tout autre : "Compte tenu de l'opacité des données, il se peut très bien que le pic soit déjà derrière nous", prévient Colin Campbell.

L'expert fondateur de l'Aspo a publié un article dans lequel il estime à 1750 milliards de barils les réserves totales de pétrole conventionnel (déjà découvertes + probables). Côté USGS, le chiffre officiel est de 3000 milliards de barils, soit 1,7 fois plus.

L'USGS n'est pas un organisme indépendant : il dépend directement du département américain de l'Intérieur. Son rôle est très politique. En 2000, la publication des chiffres de l'USGS sur les réserves de pétrole a précédé d'une semaine seulement une importante réunion de l'Opep sur les quotas futurs de production

En 2002, la Douma a voté une loi d'après laquelle révéler les réserves de gaz et de pétrole russe est un crime passible de 7 ans de prison. Laherrère remarque : "Ces tripatouillages ne seraient pas graves si les pays industriels essentiellement consommateurs de pétrole, comme la France, n'avaient pas totalement renoncé à mettre en question les données qui leur sont fournies par les pays producteurs." Il affirme : "Aujourd'hui, l'Institut français du pétrole et la Direction générale des énergies et matières premières du ministère de l'Industrie se fient aveuglément à des données produites et trafiquées par d'autres. Il n'existe aucun travail de vérification." Et de conclure : "En France, la sensibilité de l'administration vis-à-vis de la question du peak oil est tout simplement nulle !"

Lire la suite : "Quand le déclin de la production mondiale de pétrole va-t-il débuter ?"

Le site de l'Aspo: http://www.peakoil.net
OilCrisis.com:  http://www.oilcrisis.com/
Institut français du pétrole:  http://www.ifp.fr
"L'impasse énergétique": http://www.transfert.net/d51 

(source)

 


"Fresh Air, Fresh Water, Our Birth Right"


L'usine


 

En Inde, le Coca donne soif aux paysans.
Libération, jeudi 22 avril 2004. Plachimada (Kerala, Inde) envoyé spécial

Notre commentaire
:
Pour résoudre le problème, il faudrait délocaliser cette industrie sur Mars, une solution parfaite pour tout le monde! Sur Mars, il n'y a pas de taxes et c'est une implantation stratégique pour le marché Martien.

«L'eau pure, l'air pur : notre droit de naissance», dit le petit écriteau à l'entrée de l'usine Coca-Cola. Sous une hutte en paille, une quinzaine d'hommes et de femmes, assommés par la chaleur, montent la garde. «Nous en sommes à notre 705e jour de protestation, explique l'un d'entre eux. Nous nous relayons pour être là en permanence. Nous ne quitterons pas cette cabane tant que l'usine n'aura pas définitivement fermé.» Bienvenue à Plachimada, petit hameau de l'Etat du Kerala, dans le sud de l'Inde, où une poignée de paysans luttent avec acharnement contre la plus connue des multinationales, accusée de piller les eaux souterraines en fabriquant ses célèbres boissons gazeuses. Un «David contre Goliath» version écolo-altermondialiste, dans lequel le plus petit, pour l'instant, l'emporte. Mettant temporairement fin au bras de fer, la haute cour du Kerala a en effet validé début mars la décision du gouvernement local de fermer le site jusqu'à l'arrivée de la mousson, afin de laisser le temps aux nappes phréatiques de se remplir. Estimant que les ressources aquifères étaient une «propriété publique» à laquelle «tous les êtres humains» pouvaient prétendre, ce tribunal avait déjà ordonné à Coca, en décembre, de limiter sa consommation d'eau au minimum, soit l'équivalent de ce que pomperait une exploitation agricole de 15 hectares, la taille du terrain qui abrite l'usine.

«Or bleu». Car, dans cette région autrefois connue comme le «grenier à riz» du Kerala, l'«or bleu» manque cruellement. A tel point que les autorités sont obligées d'envoyer des camions-citernes pour approvisionner les villageois en eau potable. «Le camion ne vient au mieux que tous les deux jours, et quand il est là, la bagarre est telle que nous n'avons jamais assez d'eau pour toute la famille», se lamente Kalipan en désignant une flopée d'enfants qui jouent dans la poussière. «Avant, je faisais tourner ma pompe toute la nuit, ajoute Krishnaswami, un agriculteur dont les terres jouxtent l'usine. Aujourd'hui, il n'y a plus d'eau au bout de deux heures. J'ai été obligé d'abandonner les rizières pour ne faire que de la noix de coco. Mes revenus ont tellement chuté que j'ai dû me débarrasser de tous mes employés.» «Avant, il y avait deux récoltes de riz par an, ce qui nous assurait six ou sept mois de travail, explique un saisonnier. Maintenant, nous avons de la chance si nous arrivons à toucher trois mois de salaire. Cette usine nous a volé nos emplois.»

Devenue un symbole de la lutte contre l'exploitation commerciale de l'eau, la bataille de Plachimada dure depuis deux ans. Montré du doigt par les écologistes et les altermondialistes de tous bords, Coca-Cola affirme n'être pour rien dans l'épuisement des nappes phréatiques, rejetant la faute sur la sécheresse. De fait, les précipitations dans la région ont été bien en dessous de la moyenne ces deux dernières années. «Nous avons connu d'autres sécheresses par le passé, mais la situation n'a jamais été aussi dramatique, nous avions au moins de quoi boire, rétorque Aruchami Krishnan, le président du conseil des villages de Purumatty, dont Plachimada fait partie. Et même si la mousson est seule responsable, la présence de l'usine ne peut de toute façon qu'aggraver les choses.»

En vertu de l'accord signé avec les autorités locales lors de l'ouverture de l'usine, en 2000, Coca-Cola a le droit de pomper 560 000 litres par jour. La compagnie affirme être en dessous de ce seuil, déclaration invérifiable puisque les huit puits du site n'étaient pas, jusqu'à peu, équipés de compteurs. Insistant sur le fait que l'usine est dotée du label écologique ISO 14 001, Coca met aussi en avant la mise en place d'un important dispositif de récupération d'eau de pluie qui aurait déjà permis de renflouer les nappes de 12 millions de litres. «Le système a été conçu après le début de la polémique, sourit toutefois un journaliste qui suit le dossier depuis le début. Ça ressemble surtout à un exercice de relations publiques.» Le groupe, lui, affirme que le système faisait partie des plans de l'usine dès son origine... Mystère, mais le label ISO 14 001 ne date que d'avril 2003.

«Antiaméricanisme». Catastrophique pour l'image du géant mondial des boissons gazeuses, la polémique de Plachimada a été aggravée, l'an dernier, par la découverte de métaux lourds dans les déchets de l'usine, que la direction distribuait gratuitement comme engrais aux paysans des alentours... Résultat : des taux élevés de plomb et de cadmium dans les puits, dans les champs, et donc dans la chaîne alimentaire, avec des conséquences inconnues sur la santé. A sa décharge, Coca a immédiatement rapatrié les «engrais» non utilisés, mais maintient pour autant que ceux-ci sont inoffensifs. Bizarrement, les analyses diffèrent, mais les soupçons sont néanmoins lourds, d'autant qu'une autre usine sous-traitante a confirmé la présence de ces substances toxiques. Les habitants de Plachimada, en tout cas, affirment tous souffrir de démangeaisons lorsqu'ils se lavent avec l'eau des puits.

Réfutant toutes les accusations, Coke se dit victime de «règlements de comptes politiques et d'antiaméricanisme». «Il est difficile de comprendre pourquoi nous sommes les seuls à être pris pour cible alors qu'il y a dans la région vingt-sept autres industries qui utilisent pour certaines plus d'eau que nous», argumente Sunil Gupta, vice-président de Coca-Cola India. «C'est vrai que la focalisation sur Coca est un peu injuste, avoue un journaliste local, mais ils payent le prix de leur nom et leur implantation dans une zone agricole alors que les autres usines sont regroupées dans des sites industriels.»

Grand seigneur, Coke affirme ne pas vouloir fermer l'usine «car elle génère des revenus indispensables pour des milliers de locaux». Cinq cents familles, en l'occurrence, qui sont évidemment furieuses d'avoir soudainement perdu leur gagne-pain. Devant l'usine, la cabane du Comité de lutte anti-Coca-Cola fait ainsi face depuis un mois et demi à celle du Comité de protection des emplois Coca-Cola. «Les anti sont justes frustrés de n'avoir pas été embauchés», affirment ces derniers. «Le droit à la vie est supérieur à la sécurité de l'emploi», rétorquent leurs adversaires.

(source)

 


L'ancien mur trop petit


Le nouveau
(en construction)

 

Sharon modernise Israël, mais Dieu lève le camp.
Pariroma, mercredi 14 avril 2004

Selon notre source, d'après les services de renseignement américains, Dieu, père et fils, sont tous deux partis d'Israël pour une destination inconnue, peut-être en Inde. Toujours selon les même sources, les derniers combats auraient été la goutte d'eau de trop qui aurait causé leur départ. Ils ont abandonnés l'endroit à son destin, lequel pullule de mitraillettes, militaires, chars de combat et autres distractions. On a des doutes sur ce qu'il reste de la sainteté de cette terre...
 

 


Manifestation à Bagdag

 

Tous contre l'occupation
Courrier International, dimanche 11 avril 2004

Combats de rue et prises d’otages : un an après la chute du régime de Saddam Hussein, l’Irak s’enfonce dans le chaos et les forces de la coalition semblent débordées par la révolte qui se propage à travers le pays.

“Trois Japonais sont détenus en otages en Irak”, titre en une The Japan Times, avant de préciser qu’il s’agit de trois civils enlevés par un groupe de terroristes qui menacent de les “brûler vifs dans les trois prochains jours [à dater du jeudi 8 avril] si le gouvernement japonais ne retire pas ses troupes d’Irak”. Le Premier ministre, Junichiro Koizumi, a demandé “la libération immédiate des otages” et annoncé qu’il n’était “pas question d’envisager une évacuation” de la base de Samawwa, dans le sud de l’Irak, où sont stationnés quelque 550 militaires japonais “chargés d’une mission pacifique concernant l’aide à la reconstruction”, souligne le quotidien.

"Depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est le déploiement militaire le plus risqué effectué par le Japon. Pour l’opposition, c’est une violation de la Constitution pacifiste du pays”, rappelle The Japan Times, qui estime que “toute perte humaine japonaise liée à l’envoi de troupes en Irak portera un coup dur au Premier ministre”. L’Asahi Shimbun s’alarme d’ailleurs et prévient dans un éditorial : “Bush ne devrait pas laisser l’Irak devenir son Vietnam”. Le quotidien relève que les Américains ont perdu 12 soldats dans les combats de rue qui ont eu lieu ces derniers jours à Ramadi, à l’ouest de Bagdad. “Depuis la déclaration faite en mai 2003 par le président américain George W. Bush annonçant la fin de la guerre en Irak, cela représente le plus grand nombre de morts tombés sur un seul champ de bataille.”

L’Asahi Shimbun note que la fermeté affichée par l’administration Bush, qui maintient la date du 30 juin 2004 pour le transfert du pouvoir aux Irakiens, est “probablement dictée par le calendrier électoral américain et par l’élection présidentielle qui doit se dérouler à l’automne [en novembre]”. Mais le quotidien relève que le recours systématique à la force pour régler les crises est une erreur que “la Maison-Blanche semble prête à répéter pour régler la crise en cours”.

Quant aux sept Sud-Coréens enlevés près de Bagdad, “ils ont été ensuite libérés et ils sont sains et saufs”, relate le Chosun Ilbo. Le quotidien s’inquiète des “changements rapides qui ont lieu en Irak” et appelle à “une grande vigilance. L’armée levée par le jeune religieux antiaméricain Moqtada al-Sadr semble se former avec la coopération des chiites modérés et des sunnites.” Le Chosun Ilbo ne cache pas son inquiétude et fait le même constat que le quotidien japonais Asahi Shimbun. “La situation s’est énormément dégradée, à tel point que plusieurs personnes craignent que ce conflit ne devienne un second Vietnam.” En attendant, le gouvernement sud-coréen a déclaré qu’il maintiendra ses troupes en Irak et il a confirmé l’envoi de nouveaux contingents, conformément à ses engagements au sein de la coalition.

Par ailleurs, le sort de deux Arabes israéliens originaires de Jérusalem-Est enlevés par un groupe se nommant Ansar a-Din, reste plus confus, relate Ha’Aretz, avant de préciser : “Selon une source du ministère de la Défense, Israël ne négociera pas pour la libération de ces deux otages. Les deux personnes concernées ont voyagé en Irak de leur propre initiative, contrairement à la loi.” Ansar a-Din a désigné les deux hommes comme étant des “agents de l’ennemi sioniste”, mais n’a fait aucune demande à Israël ni fixé d’ultimatum menaçant les vies des prisonniers, poursuit le quotidien israélien. Ha’Aretz signale que “l’un des deux hommes serait employé par l’Agence américaine du développement international (USAID). Des contacts ont été pris par Israël avec le département d’Etat américain pour avoir plus d’informations.”

De violents affrontements se poursuivent dans le “triangle sunnite” à l’ouest et au nord de Bagdad, rapporte Al Quds al-Arabi. L’armée américaine a également reconnu, le jeudi 8 avril, que les forces de la coalition avaient perdu le contrôle des villes de Nadjaf et de Kout, dans le sud et l’est du pays, en proie à une insurrection chiite, poursuit ce quotidien panarabe édité à Londres. Des combats ont également éclaté dans les faubourgs de Bagdad et à Kerbala (ville sainte chiite au sud de l’Irak), où des centaines de milliers de chiites convergent pour l’Arbaïn (commémoration du quarantième jour après Achoura), une importante fête religieuse pour la communauté chiite.

Al Quds al-Arabi souligne que “les manifestations à Bagdad ainsi qu’à Mossoul et à Baaqouba, dans le nord du pays, réunissent des milliers de chiites et de sunnites. Lors de ces rassemblements, les manifestants scandent à l’unisson de violents slogans hostiles aux Etats-Unis. La résistance unit les Irakiens.” Ce journal - qui avait, dès le début, manifesté avec véhémence son opposition à l’intervention américaine en Irak - revient sur les critiques et les mises en garde qu’il avait formulées il y a un an, constatant que “l’insécurité est de mise partout dans le monde. La lutte contre le terrorisme n’a obtenu aucun résultat. L’occupation de l’Irak a encore aggravé la situation. C’était cela les objectifs de George W. Bush et de son allié Tony Blair ?”

Quant au quotidien irakien Al Rafidayn, il rapporte le déroulement des événements, prises d’otages et combats, et souligne la démission “du ministre de l’Intérieur irakien, qui a préféré se retirer à la suite des critiques formulées par l’administrateur civil américain Bremer”. A noter que ce quotidien affiche en première page de son site Internet un texte de “félicitations à l’occasion du premier anniversaire de la chute du régime de Saddam Hussein et de la libération du peuple irakien du joug de la dictature. Nous appelons les fils de la nation irakienne à déjouer les plans des envieux qui se réjouissent de nos malheurs. Soyons solidaires et unis pour reconstruire le nouvel Irak.” Ce texte est agrémenté de deux roses rouges et côtoie un appel pour la libération des otages Japonais.

Hoda Saliby

(source)

 


La restitution des millions de Saddam Hussein tourne au bras de fer entre le gouvernement suisse et le gouvernement américain
LE TEMPS, 5 février 2004 - Sylvain BESSON

PRESSIONS. Washington s'impatiente et demande une restitution rapide des fonds irakiens placés en Suisse. A Berne, les réunions de crise se multiplient. Au cœur des discussions : la confiscation de plus de 100 millions de francs contrôlés par un proche de l'ancien régime.

C'est un rendez-vous inhabituel auquel s'est rendu, l'été dernier à Genève, Mohammed al-Tikriti, le neveu de Saddam Hussein. Dans un immeuble impersonnel situé au 14, rue du Rhône, le jeune homme, qui réside alors en Suisse, rencontre un « diplomate » américain -en réalité, un agent de la CIA- et un fonctionnaire suisse du Service d'analyse et de prévention, l'ancienne police fédérale. Objectif de cette opération helvético-américaine : forcer l'héritier du clan des Tikriti à révéler où sont cachés les fonds secrets du régime de Saddam Hussein.

L'entretien s'est très mal passé. Mohammed, venu négocier des garanties pour lui et sa famille en échange d'informations, s'est senti menacé et est reparti furieux. Peu de temps après, il a commis une erreur fatale en se rendant en Jordanie, où il a été immédiatement arrêté et remis aux Américains, qui le détiennent aujourd'hui dans une prison de Bagdad. Mais les Américains ont un problème : Mohammed et son père Barzan al-Tikriti, demi-frère de Saddam Hussein, ancien ambassadeur d'Irak en Suisse et maître présumé des finances occultes de l'ancien régime, ne parlent pas.

Barzan Al-Tikriti - 26.2 ko
Barzan Al-Tikriti
 

L'argent caché reste introuvable, et Washington compte désormais sur les enquêtes menées dans divers pays - dont la Suisse - pour le découvrir. Les capitaux retrouvés devront être versés au Fonds de reconstruction de l'Irak, contrôlé par la coalition dirigée par les Américains.

Depuis plusieurs mois, ceux-ci multiplient les démarches auprès de la Suisse pour obtenir la restitution des fonds irakiens placés dans les banques helvétiques. « Ils font pression, ils téléphonent sans arrêt, ils viennent rendre visite, accompagnés de différents fonctionnaires venus de Washington », témoignent des initiés. Au début, les Américains se montraient patients, mais aujourd'hui, ils dissimulent mal leur irritation. « Nous avons contacté toutes les branches du gouvernement suisse sur cette question, explique un officiel américain sous couvert de l'anonymat : le Ministère public, les Départements des finances, de la justice, de l'économie, des affaires étrangères, les services de renseignement... Il faut travailler avec tous ces gens pour obtenir des résultats. Parfois, c'est très frustrant. »

En mai dernier, les autorités helvétiques assuraient que le montant des fonds irakiens bloqués en Suisse en vertu des résolutions de l'ONU serait publié « d'ici une semaine ». Neuf mois plus tard, ce chiffre n'est toujours pas disponible. Les noms des proches de l'ancien régime ou des sociétés d'Etat disposant de fonds en Suisse n'ont pas été divulgués : « Les Suisses ne peuvent pas les publier, à cause du secret bancaire », soupire l'Américain précité. Mais les choses s'accélèrent. Un projet d'ordonnance autorisant la restitution des fonds des proches de l'ancien régime et des entreprises d'Etat irakiennes - dont certains sont bloqués depuis la première Guerre du Golfe, en 1991 - circule depuis quelques jours au sein de l'administration. Il devrait entrer en vigueur début mars, « avant que les Américains en aient vraiment assez », confie-t-on à Berne.

Washington a quelques raisons de penser que les fonds irakiens placés en Suisse sont importants. Dans les années 90, la Banque nationale suisse les évaluait à quelque 462 millions de francs. Selon les services de renseignement suisses, Barzan al-Tikriti, l'ambassadeur irakien à Genève, contrôlait alors un réseau financier secret depuis une société basée au Tessin, la MEDP. « La MEDP était le cœur de son système », expliquait au Temps, en septembre dernier, Ayad Allaoui, un membre du Conseil de gouvernement irakien formé après la chute de Saddam Hussein. En outre, le fils de Barzan, Mohammed, fait figure de véritable héritier du clan des Tikriti. Avant la chute du régime, il occupait depuis Genève les fonctions de représentant de la compagnie aérienne nationale, Iraqi airways.

La fortune placée en Suisse par la famille al-Tikriti est, selon ses avocats genevois, relativement modeste : moins de deux millions de francs « provenant de la vente de terrains à Bagdad ». L'ordonnance en préparation permettrait la restitution de cette somme au Fonds de reconstruction de l'Irak, mais la famille s'y opposera énergiquement : « Une telle restitution serait honteuse, choquante, un vrai Guantanamo judiciaire », estime Alain Bionda, un défenseur genevois de la famille Tikriti. Le Tribunal fédéral tranchera en dernier recours.

Le cas le plus délicat est celui de Khalaf al-Dulaimi, un puissant homme d'affaires, chef de tribu et présumé membre des services de renseignement irakiens. Selon nos informations, plus de 100 millions de francs détenus par sa société panaméenne, Montana Management, sont actuellement bloqués dans une banque suisse. « Nous savons qu'Al-Dulaimi est lié à l'ancien régime, mais nous devons prouver qu'il est vraiment le propriétaire de ces fonds », explique un fonctionnaire. L'Irakien et sa société n'ont pas été placés sur la liste des sanctions de l'ONU. Le Conseil fédéral doit très prochainement décider du sort de cet argent. S'il ordonnait sa restitution, il ferait un très beau cadeau au Fonds de reconstruction de l'Irak - et aux Américains.

Sylvain BESSON

Source: www.Interet-General.info

 


Petite Chronique de l'Europe


Note: L'histoire est un plus complexe, il est à noter que là où l'eau fait défaut, il faudrait commencer par ne pas créer de zone industrielle pour y inviter des industries qui la consomme...

Article plus complet (en anglais) : Frontline
 

 

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